Les élèves des écoles de toute la Finlande se sont mis en grève à plusieurs reprises début 2019. Inspirés par la jeune militante suédoise Greta Thunberg, ils se sont rassemblés dans des dizaines de grandes ou petites villes finlandaises pour exiger que des mesures soient prises pour enrayer le changement climatique.
« Nos élèves de septième (NDT : les jeunes inscrits en classe de septième finlandaise sont âgés de 13 ans environ) ont tenu à y aller, et ils ont même confectionné des pancartes », nous dit Lauri Aho, professeur de géographie à l’École de Sakarinmäki, dans les quartiers est d’Helsinki. « C’est une bonne chose qu’ils aient souhaité aller manifester. Ils sont déjà au courant de pas mal de choses, mais je ne suis pas sûr qu’ils mesurent encore tous les enjeux. »
Ce qu’il est possible de faire
Une partie du travail d’Aho consiste à s’assurer que ses élèves comprennent bel et bien les effets du changement climatique, comment et pourquoi il se produit et ce qu’il est possible de faire pour l’enrayer ou le limiter. L’un des aspects de l’enseignement qu’il dispense consiste en un travail scolaire traditionnel qui se fait avec des manuels spécialisés, même si les enfants dont il a la responsabilité bénéficient également d’une formation plus pratique.
« Tout le monde pratique le recyclage dans notre classe », assure Aho en désignant des bacs disposés dans la salle de classe. « Nos élèves de neuvième (NDT : il s’agit d’adolescents de 15 ou 16 ans) ont effectué une sortie pratique dans une centrale électrique pour comprendre le mode de production de l’énergie. Nous avons également organisé une conférence avec plusieurs équipes d’invités représentant différents pays étrangers. Les jeunes en question ont commencé par étudier la politique environnementale de leur pays respectif avant de débattre entre eux des clauses qu’il y aurait lieu d’inclure dans un nouveau traité international s’inspirant du modèle de l’Accord de Paris sur le climat. »
Le changement climatique, une constante dans tous les sujets éducatifs
La place faite à l’enseignement du changement climatique est d’ores et déjà importante dans le système éducatif finlandais, tandis qu’un nouveau programme d’études climatiques est en cours d’élaboration, la volonté des pouvoirs publics finlandais étant que le changement climatique se retrouve dans chaque sujet enseigné. Certaines ONG ont, de leur côté, mis au point des matériels pédagogiques sur le changement climatique et l’économie circulaire susceptibles d’être intégrés au programme scolaire de l’année par les enseignants sous réserve qu’ils jugent cette initiative utile.
C’est déjà le cas dans toutes les écoles finlandaises ; cependant, les élèves de l’École de Sakarinmäki ont un avantage sur les autres élèves du pays : leur bâtiment scolaire dispose de sa propre source d’énergie renouvelable, d’où la possibilité d’étudier de près ce sujet.
« Environ 80% de notre consommation d’énergie provient d’énergies renouvelables », explique Antti Kervinen, directeur adjoint de l’établissement. « Nous disposons de panneaux solaires et d’un système de chauffage géothermique. Nous utilisons également de la bio-huile, même si nous n’avons besoin de cette source d’énergie qu’en hiver. Hier, il faisait beau, et c’est donc l’énergie solaire qui nous a fourni 100% de nos besoins énergétiques. »
Visualiser l’énergie de façon concrète
Les élèves et le corps enseignant peuvent visualiser leur production d’énergie en temps réel sur des écrans disposés dans les couloirs de l’école. La consommation d’énergie y est exprimée en kilowatts classiques, mais également dans leur équivalent en nombre de douches chaudes, ce qui présente l’avantage de rendre les chiffres correspondants plus accessibles à chacun. Toutes ces informations sont intégrées au programme scolaire.
« Les élèves apprennent à établir des pourcentages à partir des statistiques de la consommation d’énergie de notre école : ils sont invités à calculer par exemple le pourcentage de l’énergie que nous consommons en fonction de sa source », explique Heikki Hölttä, professeur de maths. « Le calcul de pourcentages est également utilisé en physique-chimie. »
Une question de responsabilité individuelle
Les élèves s’intéressent au changement climatique et au rôle concret qui peut être le leur face à cette problématique. Une étude récente a révélé que les enfants et adolescents finlandais citent de plus en plus souvent le changement climatique comme l’un de leurs sujets de préoccupation majeure.
« Je serais allée participer aux marches de protestation si j’en avais eu connaissance, mais j’étais en train de passer un test de maths au même moment », dit Olivia, élève de neuvième. « Greta Thunberg a du courage, et il est important de faire circuler les informations relatives au changement climatique. »
Olivia ne tarit pas d’éloges sur l’enseignement des sujets environnementaux dispensé à Sakarinmäki, ajoutant que c’est son école qui est sa source d’informations principale en matière de changement climatique.
« Moi, j’en ai probablement appris davantage devant mon ordinateur », la contredit sa camarade Laura, inscrite dans la même classe. « Je regarde beaucoup de documentaires sur l’environnement. »
Les enseignants encouragent d’ailleurs ce type d’apprentissage autonome, d’autant que certains projets exigent véritablement que l’élève fasse ses recherches par lui-même. Aho nous explique que les professeurs de l’école prennent aussi le temps de parler aux jeunes des différentes sources d’informations disponibles et de la nécessité de déterminer leur fiabilité, car les « fake news » pullulent en ligne.
« Certains élèves sont très actifs face au changement climatique, mais d’autres ont une attitude plus passive », explique Iisa, elle aussi élève de neuvième. « Je fais ce que je peux à mon niveau : par exemple, je recycle, j’éteins systématiquement les lumières quand je n’en ai pas besoin et je mange plus souvent végétarien à l’école comme à la maison, cela dit je ne suis qu’une personne qui agit seule de son côté. Il y a de quoi se poser des questions sur l’exemple que donnent, ou pas, les grands pays du monde et de se demander pourquoi ils n’en font pas davantage. »
Par David J. Cord, août 2019