Le Parlement finlandais a commémoré son centenaire en 2006 et 2007. Pourquoi cet anniversaire a-t-il été célébré sur deux années successives ? Si le suffrage universel et égalitaire a été acté en Finlande en 1906, il fallut attendre 1907 pour que les premières élections aient lieu et que le pouvoir législatif soit conféré à la chambre unique du nouveau Parlement finlandais.
À l’époque, la Finlande avait encore statut de Grand-Duché autonome au sein de l’Empire russe, situation qui perdura jusqu’à ce que le pays accède à son indépendance dix ans plus tard, en 1917. Depuis, la Finlande a traversé deux guerres mondiales puis la Guerre Froide avant de devenir membre de l’Union européenne.
Même si les responsabilités dévolues aux institutions de l’Etat ont changé, le système de représentation parlementaire dont l’origine remonte aujourd’hui en Finlande à plus de 110 ans s’est révélé pérenne au cours de tous les épisodes historiques qu’a traversé le pays, si bien que le Parlement est désormais perçu comme incarnant l’idéal démocratique finlandais.
La réforme parlementaire a introduit un bouleversement majeur au sein de la vie politique du pays. Pour la première fois, le droit de vote fut étendu à tous les citoyens finlandais adultes indépendamment de leur sexe, de leur classe sociale, de leur niveau de fortune ou de leur situation professionnelle. Le nombre de personnes habilitées à voter se retrouva dès lors multiplié par dix. L’Assemblée législative précédente ou Diète ne représentait que 15% de la population masculine, tandis que les femmes ne disposaient encore d’absolument aucun droit politique. La Finlande devint à cette époque le premier pays d’Europe à instituer le suffrage universel et égalitaire : toutes les femmes adultes se virent reconnaître le droit de se porter candidates à des élections nationales, ce qui constitua une première mondiale.
Les pouvoirs de l’Etat finlandais appartiennent au peuple, que représente le Parlement national. C’est celui-ci qui promulgue les lois, est décisionnaire sur des sujets comme le budget de l’Etat et approuve les traités internationaux.
S’il est vrai que le système parlementaire finlandais fonctionne aujourd’hui encore dans une large mesure selon les principes qui furent adoptés voici 110 ans, différents changements sont toutefois intervenus depuis, notamment dans le mode de désignation des candidats aux élections, la durée des législatures, le mode de scrutin et les procédures électorales.
Des femmes et des hommes issus du pays tout entier
Le Parlement compte 200 sièges, étant entendu que les élections législatives destinées à pourvoir l’ensemble de ces sièges ont lieu tous les quatre ans ; par ailleurs, les prochaines élections auront lieu en 2019.
Le président de la République et chef de l’Etat finlandais est élu quant à lui tous les six ans, tandis que les conseils municipaux le sont tous les quatre ans et que les élections européennes décident tous les cinq ans du renouvellement des députés européens appelés à siéger aux parlements de Bruxelles et Strasbourg. Par voie de conséquence, la Finlande est bien souvent amenée à connaître une élection par an : par exemple, les élections municipales ont eu lieu en 2017, suivies par l’élection présidentielle en 2018, après quoi ce fut le tour des élections législatives de se tenir en 2019, suivies des élections européennes, toujours la même année.
La Finlande connaît un système multipartite.
Neuf partis politiques siègent à l’heure actuelle au Parlement : le Parti social-démocrate (40), le Parti des Finlandais (39), le Parti de la Coalition nationale (38), le Parti du centre (31 députés), la Ligue verte (20), l’Alliance de gauche (16), le Parti populaire suédois (10), les Chrétiens-démocrates (5) et le mouvement Liike Nyt (1).
L’une des caractéristiques du système multipartite finlandais est qu’aucun parti politique n’est en principe en mesure d’atteindre à lui seul la majorité absolue aux élections législatives, ce qui se traduit par le fait que le pays est invariablement gouverné par une coalition gouvernementale jouissant de la confiance du Parlement. Le gouvernement a habituellement à sa tête le dirigeant du parti le plus fortement représenté au Parlement, lequel est de ce fait naturellement appelé à assurer les fonctions de Premier ministre. L’actuelle cheffe du gouvernement est Sanna Marin, du Parti social-démocrate. Outre celle-ci, figurent au gouvernement actuel le Parti du centre, la Ligue verte, l’Alliance de gauche et le Parti populaire suédois.
Ce sont les partis politiques ainsi que les associations de circonscription comptant plus de 100 membres qui désignent les candidats aux élections dans chacune des circonscriptions électorales, au nombre de 13.
Les députés sont élus dans leur circonscription électorale respective au prorata de la population, la proportion s’établissant en gros et en moyenne à un député pour 26.000 habitants.
La circonscription électorale la plus importante et la plus peuplée est celle de l’Uusimaa, constituée des municipalités entourant la capitale Helsinki et qui a envoyé 36 députés au Parlement aux dernières élections. La circonscription la plus petite est celle d’Åland, archipel de la Baltique jouissant d’un statut de semi-autonomie et qui est représentée par un seul député. La répartition des députés au sein de chaque circonscription électorale varie en fonction des changements qui interviennent dans la population correspondante. Par ailleurs, les partis politiques et associations de circonscription sont en droit de présenter aux élections législatives tout au plus autant de candidats qu’il y a de sièges de députés à pourvoir dans la circonscription concernée.
Les partis politiques reçoivent des subsides de l’Etat proportionnellement au nombre de sièges dont ils disposent au Parlement. Ils sont tenus d’affecter les fonds publics qu’ils perçoivent à leurs dépenses de campagne et au paiement des autres dépenses qu’ils ont engagées pour mettre en œuvre la démocratie.
Les élections à venir font l’objet d’une campagne d’affichage dans l’espace public et donnent lieu à une campagne dans les journaux, à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux. Les électeurs finlandais ont l’habitude de suivre activement les débats électoraux opposant les dirigeants des différents partis et de faire appel à des moteurs de recherche en ligne qui leur permettent de consulter le comparatif des propositions des différents candidats.
Cependant, les campagnes électorales finlandaises ont lieu dans une ambiance relativement retenue par rapport à ce qui s’observe dans de nombreux autres pays : les grandes réunions publiques et rassemblements électoraux marqués par des interventions véhémentes sont rares.
À l’approche des élections
Le jour du scrutin tombe systématiquement un dimanche et les bureaux de vote sont ouverts de 9 heures à 20 heures. Le vote anticipé constitue une particularité importante du système électoral finlandais tant aux élections législatives qu’aux présidentielles. Les électeurs ont ainsi la possibilité d’exprimer leurs suffrages au cours d’une période déterminée précédant le jour du scrutin proprement dit, étant entendu que ce sont dans ce cas les bureaux de poste qui font office de bureaux de vote. Tout citoyen s’apprêtant à atteindre l’âge de 18 ans au jour de la consultation électorale se voit automatiquement inscrit sur les listes électorales, tandis que des dispositions particulières sont prises en faveur des personnes à mobilité réduite ou hospitalisées pour que rien ne s’oppose à ce qu’elles participent elles aussi au scrutin.
Toute personne ayant le droit de vote reçoit communication de la part des pouvoirs publics de l’emplacement du bureau de vote dont elle relève. En règle générale, les bureaux de vote sont installés dans les locaux des écoles ou des bibliothèques publiques, tandis qu’il est prévu que les électeurs puissent voter sans avoir à beaucoup s’éloigner de leur domicile. Le scrutin a lieu à bulletins secrets et tout électeur doit avoir justifié de son identité avant de passer à l’isoloir.
Élues par les conseils municipaux, les commissions électorales locales répondent de l’organisation pratique de l’élection au niveau du bureau de vote et procèdent sur place à un premier décompte des voix.
Les résultats des élections sont habituellement connus dans un délai d’une heure après la fermeture des bureaux de vote. Les résultats sont établis selon la méthode dite d’Hondt.
De puissantes commissions parlementaires dédiées
Le Parlement a pour prérogative la plus importante la promulgation des lois. Dans un premier temps, un projet de loi gouvernemental ou plus rarement une proposition de loi émanant d’un membre du Parlement est habituellement soumis à la représentation nationale. Ensuite, le projet ou la proposition de loi en question fait l’objet d’un débat préliminaire en séance plénière du Parlement, après quoi le texte est transmis à une ou plusieurs commissions parlementaires qui auront à l’examiner de façon plus approfondie.
Le Parlement finlandais compte 14 commissions dédiées aux différents domaines politiques, ces commissions étant habilitées à apporter des modifications aux projets ou propositions législatifs dont elles ont à connaître, voire à les rejeter dans leur entièreté. C’est essentiellement à travers sa participation aux travaux de l’une ou l’autre commission parlementaire qu’un parlementaire finlandais est en mesure d’exercer une influence sur la politique de son pays.
Après l’étape de la commission, le projet ou la proposition passe deux fois en séance plénière du Parlement en y étant soumis à une première et à une deuxième lecture, la première lecture donnant lieu à un débat sur le plan général puis en détail ; si nécessaire, un vote portant sur le contenu des articles du texte de loi envisagé a lieu à ce stade.
Une fois en seconde lecture, le projet ou la proposition de loi est soit approuvé, soit rejeté par le Parlement. Dans la plupart des cas, il faut compter entre deux et quatre mois pour que les projets et propositions soient traités par le Parlement, tandis qu’il arrive que certains textes urgents soient adoptés en quelques jours seulement ; par contre, l’adoption des initiatives législatives les plus importantes peut nécessiter jusqu’à plusieurs années. Les projets de loi du gouvernement et les initiatives législatives parlementaires sont déclarés caducs s’ils n’ont toujours pas été approuvés au terme de la législature. Les séances plénières du Parlement sont ouvertes au public, tandis que les réunions des commissions parlementaires se tiennent le plus souvent à huis clos. Le public, les médias et les visiteurs étrangers ont la faculté de suivre les travaux parlementaires dans l’enceinte même du Parlement en prenant place dans la galerie de l’hémicycle. Enfin, seuls les parlementaires finlandais sont autorisés à prendre la parole à la Chambre, les hôtes de haut rang et chefs d’Etat étrangers qui y sont reçus étant invités à prononcer leur discours dans telle ou telle autre enceinte prestigieuse.
L’éthique de travail du Parlement finlandais implique que les parlementaires fassent preuve de réserve et d’une certaine dignité dans l’enceinte du bâtiment de la représentation nationale : c’est dire que les débats démonstratifs à l’excès, les discours provocateurs, les vociférations et les échanges virulents ne relèvent pas de la tradition parlementaire finlandaise. La séance d’ouverture de la session parlementaire, en février, est un événement solennel qui s’accompagne d’un code vestimentaire strict et empreint d’un caractère immuable.
Par Salla Korpela, avril 2006, article mis à jour en décembre 2019