Les professeurs britanniques Shankar Balasubramanian et David Klenerman, tous deux de l’Université de Cambridge, ont reçu le prix Millennium Technology 2020, décerné en mai 2021 avec un an de décalage en raison de la pandémie de COVID-19.
La Technology Academy Finland décerne ce prix bisannuel doté d’un million d’euros pour « souligner l’impact considérable qu’exercent la science et l’innovation sur le bien-être de la société ». Le prix 2020 va à Balasubramanian et Klenerman pour leur découverte d’une méthode de séquençage de l’ADN de nouvelle génération (méthode au nom communément abrégé en NGS, de l’anglais next-generation sequencing).
Le système NGS permet un séquençage rapide, précis, peu coûteux et à grande échelle du génome. Le séquençage du génome consiste à déterminer la séquence complète de l’ADN d’un organisme. Klenerman, physicochimiste, et Balasubramanian, chimiste organicien, ont entamé leur collaboration dès 1994. « Nous étions à la recherche de quelque chose de passionnant à explorer », nous explique Balasubramanian. À l’époque, tous deux étaient « des chercheurs en quête d’aventures scientifiques intéressantes ».
Dès 1997, leurs travaux portaient déjà prioritairement sur un système de séquençage, même s’il leur fallut attendre 2005 pour que le système qu’ils avaient élaboré devienne « pleinement fonctionnel », précise Balasubramanian. Cependant, même encore à l’époque, la découverte des deux scientifiques n’était toujours pas commercialement viable.
Un levier de transformation
« Nous avons dû reformuler les modalités de séquençage de l’ADN », explique David Klenerman dans cette vidéo où sont données par ailleurs différentes précisions sur la méthode que lui et le professeur Balasubramanian ont mis au point et sur le sens que prend aujourd’hui le séquençage de l’ADN de nouvelle génération.Vidéo : Prix Millennium Technology
Le NGS a eu et continue aujourd’hui à avoir un impact énorme sur la génomique, la médecine et la biologie, ce qui est en train de se traduire dès à présent par une transformation de ces sciences. Le système s’avère un million de fois plus rapide et moins cher que la première opération de séquençage du génome humain, qui a nécessité pas moins d’une décennie tout en coûtant plus d’un milliard de dollars. Aujourd’hui, le processus prend une seule journée et coûte 1 000 dollars, alors qu’un million de génomes humains sont séquencés tous les ans.
Le système que Balasubramanian et Klenerman ont découvert et développé a permis de prédire, d’identifier et de comprendre un certain nombre de pathologies, ce qui a conduit à des traitements plus personnalisés.
« Pour en venir à la pandémie de Covid, nous avons trouvé gratifiant que notre technologie ait été utilisée pour suivre les mutations du virus », dit Klenerman. « Elle est également utilisée comme méthode pour identifier les causes qui font que certaines personnes réagissent beaucoup plus mal que d’autres aux infections virales. »
Balasubramanian note pour sa part que le NGS peut servir dans le cadre de tests cliniques pour détecter certains cancers de façon suffisamment précoce pour que l’on puisse privilégier leur prévention, ce qui est préférable au fait d’essayer de les guérir ultérieurement. « Je pense que nous nous dirigeons vers des tests sanguins de routine pour détecter le cancer », observe-t-il.
Échouer rapidement, clé du succès
« La santé est l’un de nos sujets », explique Klenerman, « mais nous devons également faire face à de nombreuses problématiques d’origine humaine, par exemple le réchauffement de la planète. Ainsi, même si nous sommes en mesure de vivre en meilleure santé, nous nous causons dans le même temps toutes sortes de problèmes de par nos comportements ». Il espère que, de même que les scientifiques ont collaboré pour trouver en peu de temps des parades face au COVID-19, il sera tout autant possible de travailler ensemble à solutionner la question du changement climatique.
La technique NGS consiste à diviser l’ADN en fragments et à caser chacun des millions de fragments ainsi obtenus sur une puce de silicium. « Ensuite, vous les décodez tous en parallèle et en même temps », nous explique Balasubramanian. « C’est ce qui permet d’atteindre un potentiel énorme et de réaliser des économies de coûts ».
Comme le feraient des athlètes après avoir gagné un match important, Balasubramanian et Klenerman précisent bien qu’ils ont eu une équipe formidable à leurs côtés pour développer le NGS, et que le prix Millennium Technology revient en fait à tous ceux et toutes celles qui ont participé à leurs travaux.
« Bien entendu, nous avons connu de nombreux, de très nombreux échecs en cours de route », admet Balasubramanian. « Je disais de temps en temps à mon équipe de chercheurs que la clé du succès, c’est d’échouer rapidement, sans s’attarder. En réalité, l’échec, c’est cet instant précis où vous commencez à appréhender ce à quoi pourrait ressembler la bonne voie ».
Par la rédaction de VoicilaFINLANDE, mai 2021