J’en sais assez sur l’intelligence artificielle (IA) pour me rendre compte que je ne sais pas grand-chose sur le sujet. Même si je comprends comment l’IA s’applique sur le plan pratique, au moins suffisamment pour en parler de temps en temps, je ne comprends pas vraiment son mode de fonctionnement ni ce qu’elle pourrait représenter pour nos sociétés.
Pour en savoir plus, je me suis inscrit au cours en ligne gratuit Elements of AI mis en place par l’Université d’Helsinki et l’entreprise technologique Reaktor. La version française du cours sera lancée le 24 septembre 2020, à 17 heures, heure de Paris, avec une inauguration en direct.
« La plupart des gens savent que toutes leurs activités en ligne donnent lieu à un enregistrement de leurs données du fait que celles-ci ont une valeur énorme dans les pratiques commerciales modernes », m’explique Ella Peltonen, chercheuse en sciences à l’Université d’Oulu. « Dans un premier temps, les données sont affinées et analysées, ce qui permet ensuite de passer à l’action en tenant compte de toutes les informations disponibles. C’est ce processus qu’on appelle l’IA. »
Comme un ronronnement sous la surface
Parmi les domaines auxquels elle s’intéresse en priorité, Peltonen cite « l’intelligence artificielle au quotidien ». Elle explique que l’IA est aujourd’hui en voie de devenir omniprésente, de nos téléphones à nos maisons comme de nos voitures à nos usines. L’intelligence artificielle est par ailleurs discrètement à l’œuvre en coulisses, où elle participe à un certain nombre de décisions nous concernant : elle intervient par exemple pour déterminer si une offre d’emploi pourra ou non nous être adressée, si un prêt bancaire pourrait éventuellement nous être accordé ou s’il y a lieu ou non que nous soyons l’objet d’un contrôle fiscal.
Les moteurs de recommandation sont l’un des outils habituels sur lesquels s’appuie l’IA, même si nous ne prêtons pas forcément attention sur le moment au fonctionnement de ces moteurs qui tournent et ronronnent tout doucement sous la surface d’Internet pendant que nous sommes connectés : ils analysent en permanence les données que nous générons pour trouver quelque chose qui pourrait nous intéresser, par exemple un autre article à lire, un livre à acheter ou un film à voir.
L’inconvénient de ces moteurs est qu’ils ont tendance à émettre des recommandations très similaires. Par exemple, si vous lisez un article sur l’IA comme c’est le cas en ce moment, un moteur de recommandation est susceptible de vous orienter vers d’autres articles consacrés à des sujets technologiques. Si jamais vous ne lisiez que les articles qui vous sont recommandés, votre perception de la Finlande pourrait se limiter à la sphère high-tech, auquel cas vous passeriez à côté de la cuisine, de la littérature ou de la nature finlandaise. Vous vous retrouveriez alors dans une « bulle de filtres » ou une « chambre d’écho », d’où une mise à l’écart de toutes informations d’une nature différente.
« Nous utilisons tous l’IA des dizaines de fois par jour, cela dit ce sont à mon avis les moteurs de recommandation qui sont les outils les plus efficients », explique pour sa part Teemu Roos de l’Université d’Helsinki, où il est en charge du projet Elements of AI. « Ce sont eux qui alimentent les réseaux sociaux en posts et qui leur fournissent les articles d’actualité que nous sommes amenés à lire. Ces moteurs peuvent aussi servir à des fins de manipulation politique. Il faut donc que le public comprenne bien l’incidence de l’IA sur nos systèmes politiques et démocratiques ».
Une offre élargie à de nouvelles langues
Comprendre comment l’IA est susceptible d’influer sur nos sociétés : c’est la raison même pour laquelle le cours Elements of AI est gratuit et ouvert au grand public. La Finlande est dans son juste rôle de proposer un cours de ce type en raison de la place privilégiée qu’y occupent depuis longtemps les technologies et la formation en général. Par ailleurs, le pays a mis en place conjointement avec l’UE un financement devant permettre que le cours soit disponible dans les 24 langues de l’Union.
À l’heure où j’écrivais ces lignes, il était possible de suivre le cours en anglais, en finnois, en estonien, en allemand, en hongrois, en letton et en suédois, sans oublier le norvégien (une langue ne relevant pas quant à elle de l’Union européenne), d’autres langues étant régulièrement ajoutées.
« Jusqu’à présent, plus de 400.000 personnes de 170 pays se sont inscrites », précise Roos. « Nous avions pour objectif qu’un pour cent des Finlandais suive le cours, or nous avons aujourd’hui atteint ce seuil. Notre objectif du moment est d’arriver à toucher un pour cent des Européens, puis un pour cent de la population mondiale. »
Un savoir accessible gratuitement à tous
Le cours Elements of AI regorge d’exemples concrets, montrant par exemple comment l’IA s’y prend pour jouer une partie d’échecs, comment elle distingue les spams parmi tous les emails que vous recevez ou comment elle reconnaît des objets sur des photos. La formation aborde également les conséquences tant positives que négatives de l’IA. Par exemple, s’il est vrai que l’IA intégrée à une voiture autonome pourrait tout à fait me conduire rapidement et en toute sécurité à mon bureau, il se peut aussi qu’elle prive mon conducteur de bus de son travail.
Le cours comprend des exercices de mathématiques simples, mais pas d’exercices de codage. Pour cela, je devrai attendre le deuxième volet du cours intitulé Building AI (« Construire l’IA »), dont la mise à disposition était imminente au moment de la publication de cet article. Ce programme de formation complémentaire promet aux participants de leur en dire « plus sur les algorithmes spécifiques permettant le développement de méthodes d’IA ».
Après avoir suivi le cours Elements of AI, j’ai l’impression de mieux comprendre le fonctionnement de l’IA ainsi que ses enjeux. Comme l’explique la documentation du dernier chapitre du cours, il est indispensable que l’IA soit réglementée dans un cadre démocratique, ce qui implique que le savoir relatif à cette technologie soit librement et gratuitement accessible à tous.
Par David J. Cord, juin 2020