Il n’est pas courant de voir une recette qui nécessite d’avoir sous la main une planche en bois et des chevilles en bois elles aussi.
Ce sont là des ustensiles dont vous aurez besoin pour la cuisson au loimu, mot finnois voulant dire « flamme » et qui fait référence ici à la cuisson lente d’un poisson à proximité d’un feu, mais non pas au milieu du feu, ni au-dessus des flammes, d’où une saveur et une texture uniques. Même si cette technique est en usage dans toute la Finlande, nous avons fait le choix de domicilier la recette du poisson à la flamme dans la région dont nous vous parlons aujourd’hui, plus précisément encore sur la longue bande littorale occidentale de la Baltique.
Vous trouverez également ci-dessous une recette de gravlax, un type de saumon salé et séché à la popularité confirmée dans tous les pays nordiques. La recette que nous vous donnons ici fait appel à des baies d’argousier et non pas à des zestes de citron, l’effet recherché étant une touche d’acidité bien particulière.
Partie intégrante de la Finlande de l’Ouest, l’Ostrobotnie est une région connue comme « le pays de la pomme de terre » : c’est de là que provient notre recette des crêpes de pommes de terre, mets délicat bien en harmonie avec son terroir. Quant au savoureux pain setsuuri, qui tire son nom des mots suédois söt (« sucré », « doux ») et sur (« aigre »), c’est une variété de pain légèrement sucrée et un tout petit peu aigre à la fois : essayez-le et vous verrez ce à quoi nous faisons allusion.
[Ce texte s’inscrit dans une série d’articles présentant des plats typiques de Finlande du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest (même si bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui populaires dans tout le pays), sans oublier un article spécial dédié aux gâteaux, pains et viennoiseries finlandais.]
Par la rédaction de VoicilaFINLANDE, mai 2022
Recettes et descriptifs fournis par Timo Lepistö
Crêpes épaisses de pommes de terre (perunaletut)
Ces délicieuses crêpes de pommes de terre ont pour origine la région côtière occidentale de la Finlande ; elles font d’ailleurs en quelque sorte pendant aux blinis finlandais, caractéristiques, eux, de la cuisine de la Finlande orientale (voir notre article comprenant une liste de recettes de Finlande de l’Est).
Pour la purée de pommes de terre :
- 500 g de pommes de terre d’une variété riche en amidon
- 3 dl de lait entier
- 25 g de beurre
Épluchez vos pommes de terre et coupez chacune d’entre elles en quatre. Mettez le tout à bouillir ou à cuire à la vapeur, puis égouttez et écrasez les pommes de terre. Ajoutez le lait chaud et le beurre et fouettez vigoureusement jusqu’à obtention d’une pâte bien lisse.
Pour les crêpes :
- 5 dl de purée de pommes de terre
- 3 dl de lait entier
- 2 dl de farine tout usage
- 2 ou 3 œufs
- 2 c. à café de sel
- Noix de muscade râpée et poivre moulu
Dans un bol, ajoutez le lait à la purée de pommes de terre encore chaude et fouettez. Ajoutez ensuite les œufs un par un, puis les épices, avant de fouetter jusqu’à ce que le mélange soit bien homogène. Ajustez l’épaisseur en ajoutant la quantité de farine qui s’avèrera nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à obtention d’une pâte à crêpes épaisse (comme si vous faisiez des pancakes) et mélangez jusqu’à ce que votre pâte soit parfaitement homogène.
Placez une poêle à crêpes ou une poêle à blinis sur une plaque réglée à chaleur moyenne-élevée et attendez que votre poêle soit bien chaude. Ajoutez une fine couche de beurre ou d’huile de cuisson au fond de la poêle, puis versez la pâte à raison d’environ 1/2 dl par crêpe. Faites cuire pendant environ une minute ou jusqu’à ce que la surface de la crêpe se soit solidifiée, puis retournez. Ajoutez un peu de beurre ou d’huile clarifiée et faites cuire pendant encore une minute. Servez avec une cuillerée d’œufs de saumon et de la crème fraîche à la ciboulette.
Pain setsuuri
Cette recette qui nous vient de la grande ville côtière de Turku, dans le sud-ouest du pays, tire sa saveur hors du commun des condiments qui entrent dans sa composition. Son nom reprend les mots suédois söt (« doux ») et sur (« aigre ») (à noter que le finnois et le suédois ont tous deux statut de langue officielle en Finlande, étant précisé par ailleurs que de nombreux Finlandais de langue maternelle suédoise habitent sur le littoral occidental et méridional du pays).
À l’occasion des grandes fêtes annuelles, il est d’usage d’ajouter à la pâte quelques poignées de raisins secs ou d’autres fruits secs, ainsi que des écorces d’orange amère séchées.
- 5 dl de babeurre
- 50 g de levure fraîche
- 7 dl de farine tout usage
- 7 dl de farine de seigle tamisée
- 350 g de sirop de sucre roux
- 2 c. à café de graines d’anis moulues
- 2 c. à café de graines de carvi
- 1 c. à café d’écorces d’orange amère séchées (facultatif)
Dissolvez la levure dans le babeurre chaud en y incorporant 250 grammes de sirop, puis ajoutez les épices. Ajoutez ensuite les deux types de farine et mélangez. Travaillez la pâte soit 15 minutes au crochet pétrisseur dans un mixeur sur socle, soit une vingtaine de minutes à la main, jusqu’à ce que la pâte présente un aspect lisse et brillant. Couvrez le bol et laissez lever pendant 45 minutes.
Divisez votre pâte en deux et formez des pâtons sur un plan de travail enfariné. Couvrez à nouveau et laissez la pâte lever 45 minutes de plus, ou jusqu’à ce qu’elle ait doublé de volume.
Ajoutez le reste du sirop à un décilitre d’eau, d’où un mélange qui vous servira à badigeonner vos pains au pinceau au fil de la cuisson.
Préchauffez votre four à 175 degrés Celsius.
Faites cuire les pâtons dans le four pendant une heure. Après environ 20 minutes, badigeonnez-les avec le sirop, puis répétez cette opération toutes les 15 minutes et une dernière fois encore après avoir sorti vos pains du four. Laissez refroidir complètement avant de servir.
Saumon gravlax aux baies d’argousier sauvages
Le saumon gravlax (ce terme suédois est aussi en usage en particulier en anglais ainsi que dans la langue française), graavilohi de son nom finnois, est un plat incontournable des repas de fêtes en Europe du Nord, et c’est aussi l’une des spécialités culinaires les plus connues de la région à laquelle nous consacrons cet article. Vous pouvez cependant vous servir d’autres poissons tout aussi bien adaptés à ce mode de préparation, par exemple le corégone lavaret. La recette alternative que nous vous présentons ici, dont l’origine se situe en frange sud-ouest de l’Archipel de Finlande, fait appel à des baies d’argousier, cet ajout rendant sans objet le recours à des zestes de citron.
- 700 g de filet de saumon désarêté
- 2 c. à soupe de sel
- 2 c. à soupe de sucre
- 1 c. à café de poivre blanc concassé (facultatif)
- 1/2 dl de jus de baies d’argousier pressées à froid
- Aneth frais
Coupez votre filet de saumon en deux morceaux de taille égale. Mélangez le sel, le sucre et le poivre. Séchez les filets en les tapotant, étalez le mélange d’épices sur le dessus, puis placez les filets dans un sac en plastique propre. Disposez ce sac sur un plateau que vous recouvrirez d’une ou deux assiettes pour créer un effet de légère compression. Laissez saumurer 24 heures au réfrigérateur, enlevez le mélange de sel, poivre et sucre, puis placez une nouvelle fois vos filets de poisson dans le sac. Versez-y le jus de baies d’argousier, refermez et laissez saumurer 24 heures de plus. Débitez le poisson en fines tranches et parsemez celles-ci d’aneth frais et de quelques baies d’argousier.
Lavaret à la flamme (loimusiika)
Le mot finnois loimu (« brasier », « flamme ») a été repris pour désigner une technique bien précise de cuisson adaptée aux filets de poissons gras : c’est donc plus un mode de préparation qu’une recette de plat proprement dite que nous vous présentons ici. La cuisson lente du poisson à immédiate proximité d’un feu de camp (ou dans une cheminée, voir notre note figurant en fin d’article) crée une saveur et une texture uniques, tout en contribuant à une ambiance « couleur locale ». Même si vous aurez quelques ingrédients à préparer à l’avance, il s’agit d’un processus relativement facile. Notre recette fait appel à du lavaret (poisson parfois aussi appelé corégone lavaret), mais on peut aussi préparer le saumon de cette même manière.
- 1 beau filet de lavaret désarêté
- 1 c. à soupe de sel par kilo de poisson
- Baies de genévrier concassées ou poivre noir (facultatif)
- Prévoir une planche en bois d’aulne ou de feuillu comparable
- Prévoir aussi des chevilles en bois
Percez des trous dans la planche en prévoyant une distance d’environ 15 centimètres entre les trous, ce afin d’y introduire les chevilles destinées à maintenir en place votre filet de poisson. Pensez à ajouter un dernier trou au milieu de l’extrémité opposée de la planche (ce trou correspondant à la queue du poisson). Assaisonnez le poisson puis arrimez fermement le filet à la planche à l’aide des chevilles en bois. N’utilisez pas de clous ordinaires, car le poisson cuirait alors trop vite tout autour des clous.
Estimez la bonne distance par rapport au feu en vous servant de votre main : il faut que vous soyez capable de garder celle-ci au contact de la chaleur pendant quand même un certain temps. Placez la planche en position verticale, queue du poisson vers le haut, mais de telle sorte que votre planche décrive un léger angle, le but étant que la face la plus épaisse du filet se trouve plus proche du feu : le poisson cuira ainsi uniformément. Attendez que votre filet soit cuit, mais pas trop. Dégustez avec du pain de l’Archipel (voir notre article consacré aux recettes de gâteaux, pains et viennoiseries finlandais (à paraître ultérieurement)) en arrosant votre plat d’un verre d’akvavit (eau-de-vie généralement aromatisée au cumin).
N.B. : on peut aussi préparer son poisson « au loimu » dans un foyer de cheminée, en fonction toutefois des dimensions du foyer. Il vous faudra pour cela dégager un espace dédié à la cuisson du poisson en calant votre planche en règle générale d’un côté du foyer, la combustion du feu ayant lieu du côté opposé. Vous devrez également vous assurer que la fumée produite par la cuisson du poisson s’évacue bien par le conduit de cheminée et que vous aurez un moyen de retirer la planche de l’âtre en fin de cuisson. En cas de doute, tenez-vous en aux espaces extérieurs.