Les Finlandais ont tendance à penser que leur culture alimentaire évolue plus vite que dans d’autres pays. Cette opinion correspond certainement à la réalité si l’on considère les changements intervenus depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Les nouveautés gastronomiques relèvent le goût du quotidien et donnent aux fêtes un fumet de raffinement supplémentaire. La palette des saveurs proposées aux Finlandais est en constante évolution.
La gastronomie à la finlandaise
La gastronomie à la finlandaise a ses origines dans deux directions opposées : la Carélie et le Lac Ladoga côté Est, les côtes du Golfe de Botnie côté Ouest. L’une des coutumes de l’Est consistait à pétrir une fois par semaine, de manière à toujours disposer d’un pain encore moelleux. Parmi les influences orientales restées vivaces, citons le pâté de Carélie, le pain de seigle, le lait caillé, la crème aigre, les champignons, les pâtés en croûte et la fondue au four.
Dans l’Ouest du pays, le pain ne se préparait qu’à quelques occasions dans l’année et se conservait séché, d’où sa forme aplatie. Le foyer ouvert était le mode de cuisson courant. Les mœurs alimentaires de l’Ouest comprenaient le pain sucré, les boulettes de viandes et les rôtis, mais aussi le salage du poisson et des techniques de brassage et de préparation du fromage venues d’Europe centrale. La cuisine de l’Ouest finlandais mise davantage sur le sucre que celle de l’Est.
On estime que l’arrivée du christianisme est l’un des événements qui modifièrent radicalement les habitudes alimentaires. Ainsi la nouvelle doctrine apportait-elle dans son sillage la coutume du jeûne et la notion d’aliments permis ou interdits. Les aliments crus, la viande de cheval et l’alcool furent entre autres bannis.
Les deux guerres mondiales, ainsi que les années qui suivirent, marquèrent également un tournant radical dans les mœurs alimentaires des Finlandais. Les différences régionales s’estompèrent suite à l’évacuation de la Carélie et en raison de la création d’écoles et d’organismes à vocation éducative. La reconstruction de la société et l’augmentation du niveau de vie permirent aux populations de se familiariser avec de nouveaux produits – viandes et vins de fruits aux saveurs exotiques, par exemple.
L’Est et l’Ouest ont apporté dans leur escarcelle tant de sortes de pains différents que cette variété mérite d’être mentionnée. Le pain de seigle noir, confectionné à partir d’une pâte aigre, est un élément incontournable de l’alimentation finlandaise. Bien entendu, les boulangeries les plus importantes préparent les mêmes types de pains dans différentes parties du pays, et certaines spécialités locales se sont implantées dans des régions autres que celles dont elles proviennent. Le choix du pain que consomment les Finlandais n’en demeure pas moins parlant quant à leurs origines géographiques. Ainsi le pain azyme du Nord et le pain noir sucré des zones côtières restent-ils des repères fiables.
En dehors du pain, d’autres spécialités régionales sont elles aussi porteuses d’une couleur locale. Certaines sont fabriquées selon des recettes traditionnelles, comme les crêpes d’Åland, qui contiennent de la semoule, la bière millénaire de Häme ou le ragoût de boudin noir du Nord de l’Ostrobotnie, appelé ‘rössypottu’. Les nouvelles boissons conçues par les producteurs de baies et les spécialités lancées par les petites fromageries, les brasseries, les établissements de boucherie et autres producteurs locaux d’envergure modeste sont la forme moderne du développement agro-alimentaire local.
Les influences culinaires venues de l’Est puisent de la Russie jusqu’au Japon, celles de l’Ouest cherchent l’inspiration entre la Suède et les États-Unis, qu’il s’agisse de production industrielle à grande échelle ou de petite fabrication locale, de l’offre des restaurants ou de la cuisine familiale. Ces changements sont accueillis de manières diverses : de nombreux Finlandais estiment que la cuisine originale finlandaise n’existe plus, certains s’inquiètent à l’idée que le caractère gustatif national puisse dépérir sous la pression de la mondialisation, tandis que d’autres voient dans les nouvelles tendances autant d’occasions d’enrichissement pour la culture gastronomique du pays.
Juin 2011