La première super-université de Finlande, l’Université Alvar Aalto (UAA), a repris le nom du père de l’architecture et du design finlandais, Alvar Aalto (1898-1976).
Architecte, designer, inventeur, technicien, Alvar Aalto maîtrisait l’univers des techniques de façon multi-disciplinaire, dirait-on maintenant. Rien de ce qui touchait aux matériaux ne lui était étranger. Il fut le premier à parler d’une nouvelle culture technologique, idée visionnaire pour son époque.
En toute logique, la première super-université finlandaise pluridisciplinaire ne pouvait que s’appeler Alvar Aalto. En toute logique encore il y avait du symbole dans l’atmosphère le 8 janvier 2010 lors de l’inauguration de l’UAA à Helsinki, les cérémonies se déroulant dans deux lieux complémentaires: le Palais Finlandia et le Musée d’Art Contemporain Kiasma.
Finlandia, parce que l’imposant bâtiment a été conçu par Alvar Aalto. Le lieu incarne la Finlande officielle et traditionnelle. Kiasma, à deux pas de Finlandia, est, quant à lui, délibérément tourné vers l’avenir avec sa coque torsadée en chiasme le propulsant dans le futur.
Défense démographique
En ce 8 janvier 2010 la fine fleur des mondes politique et universitaire de la Finlande s’est rassemblée pour lancer la toute nouvelle super-université. Il était grand temps: la Finlande devait se doter enfin d’une super-université, concept venu des USA, avec le MIT ou l’UCLA, mettant en synergie les élites universitaires pluridisciplinaires.
En France aussi on ne parle que de super-universités depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Ce qui fait débat: le monde universitaire doit-il affûter encore davantage ses élites pour, idéalement, tirer un pays vers le haut? Ou bien continuer à investir dans la démocratisation et l’amélioration du niveau de la majorité des étudiants et chercheurs?
Pour la Finlande, pays déjà gagné à la cause de l’égalitarisme, créer une super-université permet de poursuivre aussi d’autres desseins, négligeables pour d’autres pays. Comme celui de contribuer à la défense démographique du pays puisque la population finlandaise diminuera inexorablement si rien n’est fait. Une telle université permettrait à la fois de fixer en Finlande les élites locales et de garder un dynamisme tout en attirant des universitaires du monde entier dans l’espoir que ces derniers fassent souche là où ni le climat, ni la fiscalité, ni la langue n’attirent des cohortes d’immigrants. L‘UAA pourrait donc s’avérer une des pièces du puzzle démographique national. Mais incontestablement L’UAA contribuera à bonifier l’image de la Finlande à travers le monde.
Parcours de l’étudiant
La toute nouvelle UAA se compose de trois anciennes écoles supérieures : de l’Ecole Supérieure des Sciences et Techniques, l’École Supérieure d’Économie et de Commerce et de l’École Supérieure des Arts et du Design.
Pour l’étudiant, le but est de combiner les disciplines. L’étudient qui a reussi son concours d’entrée à une des trois universités il a ensuite accès aux deux autres.
La première année, le nouvel étudiant doit être de se concentrer sur sa discipline. A partir de la deuxième année, la mobilité primera de plus en plus pour s’imposer progressivement jusqu’au terme du cursus. Chaque année des séries de cours spéciaux seront proposées et spécialement recommandées pour les étudiants des deux autres universités.
Naturellement, les étudiants qui ont déjà commencé à étudier et sont en cours d’études dans une des trois universités, auront la possibilité de finir leurs diplômes selon les règles précédentes. Pourtant l’idée de l’UAA est de leur offrir aussi des opportunités de mobilité accrues d’une université à l’autre.
Intégration internationale
Les trois doyens des trois universités sont sous la houlette du super-doyen de l’UAA, Tuula Teeri, mais les trois universités conservent une certaine autonomie quant à leurs programmes d’études.
En outre, chaque université conserve son propre comité pour les affaires universitaires (voir encadré pour le budget). Quant à la Design Factory (www.aaltodesignfactory.fi) qui a été en quelque sorte le laboratoire de tester la versatilité de l’enseignement, les coopérations entre chercheurs et industriels, entre autres, elle poursuivra ses activités, dispensant des projets de recherches pour des start-ups ainsi que des projets plus courts mettant en synergie l’université et les industries.
Par exemple, l’UAA sera la seule université finlandaise permettant a un étudient de devenir à la fois designer, chimiste (pour connaître et tester les matériaux) et chef d’entreprise, puisqu’elle donne la possibilité de passer sans heurts, ou simultanément, d’une de ces formations aux autres. L’UAA permettra également à ses membres de s’intégrer dans les cursus universitaires d’autres super-universités et grandes écoles internationales, en dehors de la Finlande, pour les chercheurs et les enseignants, ce que les anglo-saxons appellent " tenure track ".
Réciproquement les thésards et diplômés du monde entier pourront intégrer également l’UAA pour y effecteur leurs travaux ou y enseigner. Tuula Teeri révélait qu’entre 20 et 40 postes d’enseignement seront ouverts dès cette année 2010.
L’excellence
Dans leurs discours d’inauguration, la présidente Tarja Halonen, le premier ministre Matti Vanhanen et le recteur Tuula Teeri, n’ont eu de cesse de souligner l’accent mis sur l’excellence. Pourtant on peut regretter que le modèle ne soit lancée que maintenant, avec un certain retard, alors que certains y pensaient depuis quelques années.
On peut aussi craindre que l’UAA n’absorbe une masse de crédits pouvant être utilisés ailleurs afin d’élever le niveau d’autres secteurs universitaires, comme celui des Lettres ou de la Sociologie. Mais les technologies modernes ne peuvent-elles pas aussi servir un nouvel humanisme, écologique celui-là?
Historiquement c’est en 2005 qu’on a eu l’idée de réunir des écoles supérieures de haut niveau et d’en faire une seule entité se consacrant totalement à l’innovation, un concept sacré en Finlande depuis l’énorme succès industriel de Nokia. En toute logique ce n’est qu’avec une université de pointe qu’une seconde légende pourrait voir le jour: dans le domaine des bio-technologies ou des nano-technologies? Les Finlandais auraient aussi vocation à montrer la voie en innovant technologiquement en matière de respect de la nature et de promotion du développement durable.
Avant de diriger le super-université, Tuula Teeri – a énormément travaillé et publié sur la chimie du bois, une autre spécialité traditionnelle finlandaise. Cette formation très pointue la prédispose à cornaquer l’UAA, entre autres, vers une exploitation plus raisonnée des forêts et de leurs bois, ressources indispensables à la survie de l’espèce humaine.
Ce qui serait aller vers un humanisme technologique, continuation naturelle et application logique de la fameuse citation d’Alvar Aalto sur la culture technologique.
Infos+
La toute nouvelle UAA se compose de trois anciennes écoles supérieures :
- École Supérieure des Sciences et Techniques (TKK)
- École Supérieure d’Économie et de Commerce (KKK)
- École Supérieure des Arts et du Design (TAIK)
Très prochainement ces trois appellations deviendront en anglais:
- The Aalto University School of Science and Technology
- The Aalto University School of Economics
- The Aalto University School of Art and Design
Effectifs de l’Université Alvar Aalto, début 2010:
Personnels: 4000
Étudiants: 17 000 en 2010
Emplacements: 3 campus: Otaniemi à Espoo (TKK), Arabia (TAIK) et Töölö (KKK)
Un peu d’histoire:
Dates de fondations des 3 unités:
KKK = 1904
TKK = 1849
TAIK =1871 (plus grande université d’arts appliqués des Pays Nordiques)
Naissance du concept UAA: 2005, par le recteur de TAIK Yrjö Sotamaa
Débuts de l’UAA: 19 février 2007
Inauguration: 8 janvier 2010
Coordonnées complètes :
École Supérieure de Commerce
Runeberginkatu 14-16 Helsinki
Recteur: Eero O. Kasanen
École Supérieure des Arts et du Design
Hämeenkatu 135C Helsinki
Recteur: Helena Hyvönen
École Supérieure des Sciences et Techniques
Otakaari 1 Espoo
Recteur: Matti Pursula
Université Alvar Aalto
Lämpömiehenkuja 2 Espoo
BUDGET annuel:
700 millions d’euros (500 venant de l’Etat finlandais et 200 de fonds privés)
Liens : (en anglais)
Par Jean Pierre Frigo, février 2010