Un renouvellement de génération avec deux jeunes jazzmen finlandais

Porteurs de promesses et d’attentes, les mots « la jeune génération du jazz finlandais » correspondent à une présentation à la fois exacte et incomplète de Milo & Moses, un duo musical dont les deux membres sont nés en 2001.

Avec déjà deux albums studio à leur actif, le guitariste Milo Mäkelä et le batteur Mooses Kuloniemi (Mooses étant bien évidemment l’équivalent finnois du prénom anglais Moses) se sont attiré des éloges tant de la part de la critique que des fans de jazz.

Leur site internet définit leur musique par les mots « groove jazz from Phinland ». Les deux musiciens ont attiré l’attention de quelques-uns des principaux organes de presse de Finlande après s’être produits sur certaines des scènes finlandaises les plus en vue, par exemple celle du Festival Flow, un événement artistique au rayonnement largement reconnu. Le CV du duo est rien moins que remarquable si l’on tient compte notamment du fait que ses disques sont publiés par le label bien connu en Finlande KHY Suomen Musiikki, et non pas par tel ou tel important éditeur de musique international.

Une musique exigeante au-delà de la simplicité apparente

Immergés dans la lumière et la musique : Milo Mäkelä (à g.) et Mooses Kuloniemi (dr.) font ici équipe avec le bassiste Jon Pettersson.Photo: Esa Kuloniemi

C’est en 2015 que les deux garçons ont sorti leur premier album vinyle intitulé Milo & Moses, mis également à la disposition des auditeurs en ligne. Dès les premières mesures, il apparaît évident que leur musique s’enracine dans un jazz dont la fluidité évoque le guitariste de légende Wes Montgomery, dont nos deux jeunes artistes sont fans.

Ils sont accompagnés à la basse par Jon Pettersson, ce qui donne une formation à trois instruments – guitare, batterie et basse – affichant une simplicité qui n’est qu’apparente, puisque leur musique relève en réalité d’une exigence technique extrême. Caractérisé par un son dépouillé, le style des garçons repose essentiellement sur l’interaction entre les musiciens et leur capacité à utiliser au mieux l’espace dont ils disposent. Aucune échappatoire n’étant possible dans cet espace musical, chaque membre de la formation n’a d’autre choix que d’y occuper pleinement la place qui lui revient.

Avec les reprises de plusieurs grands classiques de John Coltrane, Weldon Irvine, Wes Montgomery et d’autres musiciens de jazz qu’il contient, le premier enregistrement de Milo & Moses a apporté la preuve que nos jeunes finlandais avaient non seulement du talent et du potentiel, mais qu’il savaient mettre en pratique leur vision musicale : en conséquence de quoi leur musique swingue, coule de source et respire avec un naturel qu’on n’attendrait pas de la part de musiciens de leur âge.

Quant à leur deuxième album sorti en 2017 sous le titre Among Friends, il a fait la joie de ses auditeurs avec des compositions originales qui n’ont rien à envier aux reprises de morceaux de jazz légendaires de leurs débuts. En fait, l’énergie qui se dégage de pistes comme Je ! ou la dynamique et l’endurance qui traversent l’interminable Headache illustrent encore une autre facette du talent de la formation.

Un état d’esprit au-delà des genres musicaux

Milo Mäkelä à la guitare, Mooses Kuloniemi à la batterie et Jon Pettersson à la basse jouent à la Galerie d’art d’Helsinki à l’occasion du 90ème anniversaire de cet espace culturel. Le concert des garçons a eu lieu le soir de l’inauguration d’une rétrospective de l’œuvre de l’artiste Markku Keränen intitulée An Everlasting Spring of Colour ; l’un des tableaux du peintre est d’ailleurs partiellement visible derrière Kuloniemi. Photo: Esa Kuloniemi

« J’ai fait la connaissance de Milo l’année où nous étions tous deux en classe de huitième », nous explique Kuloniemi. « Il venait d’arriver dans ma ville et voulait savoir s’il y avait quelqu’un au collège que ça intéresserait de jouer du jazz. Il ne nous a pas fallu longtemps pour nous retrouver à faire des jam sessions. »

« Nous avons commencé par jouer des morceaux qu’on adorait tous les deux, des grands classiques du jazz ou d’autres morceaux marquants », poursuit Mäkelä. « En réalité, je ne savais pas encore jouer correctement du jazz à ce stade-là mais ne voulais pas le reconnaître ouvertement devant Mooses. Toujours est-il que j’avais juste besoin d’apprendre. Je dirais que nous avons appris à jouer du jazz ensemble, avec comme résultat qu’aujourd’hui je suis complètement bluffé quand nous réussissons à improviser tous les deux au même moment au milieu d’un morceau, comme ça se produit parfois. C’est très rare. »

Quand on sait à quel point il est facile à notre époque d’avoir accès sur la Toile à pratiquement à tout type de musique, on ne s’étonnera pas d’apprendre que Mäkelä et Kuloniemi sont loin de se considérer comme des puristes du jazz.

« L’éventail de mes goûts musicaux est large, de Clean Bandit à Count Basie et de Tom Waits à Egotrippi », précise Mäkelä. « Je joue aussi dans un groupe pop, et je me définirais avant tout comme un auteur et un créateur de musiques. En fait, je n’aime pas beaucoup raisonner en termes de genres musicaux. »

Quant à Kuloniemi, il joue avec sa mère et son père dans un groupe de blues du nom de Honey B. Family et participe même à l’occasion aux sessions et concerts du groupe Room Full of Hendrix, créé en hommage à Jimi Hendrix.

Des histoires ancrées dans le réel

Le batteur Mooses Kuloniemi (g.) et le guitariste Milo Mäkelä n’en sont qu’au tout début de leur parcours artistique dans l’univers du jazz.Photo: Klaus Elfving

Alors qu’il est bien évident que tout musicien de jazz de moins de 20 ans n’en est qu’au début de son parcours artistique, Milo & Moses se sont imposés dès à présent comme une valeur avec laquelle compter tant grâce à leurs enregistrements vinyle que sur scène.

Ils ont su se faire une place dans la programmation des concerts en passant avec succès aux côtés de vétérans du jazz de premier plan, tout en étant capables de livrer des performances ludiques entrecoupées d’explications sur la genèse de leurs compositions à destination du public. Les histoires que développent leurs morceaux s’ancrent largement dans le réel, à quoi il faut ajouter que les performances scéniques de Milo & Moses dégagent généralement une bonne dose d’énergie.

« Pour l’instant, nous avons juste envie de faire le plus de concerts possible et de continuer à beaucoup répéter », nous dit Kuloniemi. « La prochaine étape, ce sera de créer de nouvelles compositions. »

A ce stade, le duo ne s’est produit que sur des scènes finlandaises, mais au train où vont les choses il n’y aura pas lieu de s’étonner de voir le nom Milo & Moses commencer à apparaître aussi sur les affiches des festivals internationaux.

Par Matti Nives, avril 2018