Environ 80 % du commerce mondial de marchandises se fait par voie maritime, or 98,8 % des navires utilisent encore des combustibles fossiles selon ONU Commerce et Développement (CNUCED). Il est donc essentiel d’accroître la durabilité de ce secteur industriel important si nous voulons atteindre les objectifs de zéro émission nette.
La jeune entreprise finlandaise Norsepower développe des voiles. Il ne s’agit cependant pas du type de voiles qu’on trouve sur les voiliers.
L’entreprise fabrique en effet des voiles à rotor, qui sont de hautes colonnes rotatives qui exploitent l’effet Magnus, c’est-à-dire cette même force qui permet aux joueurs de football de faire tourner un ballon dans les airs après leur coup de pied.
Les rotors sont actionnés par des moteurs électriques. Lorsque le vent entre en contact transversalement avec les rotors, une force perpendiculaire à la direction du vent est créée en face, ce qui contribue à faire avancer le navire. En principe, la poussée de propulsion qui s’observe de ce fait dépassera largement l’énergie nécessaire pour faire tourner les rotors.
« Notre marché principal est celui des cargos », précise Jarkko Väinämö, directeur de l’exploitation de Norsepower. « Nous avons également installé nos voiles sur des navires à passagers. Même s’il est possible de les installer sur le pont d’un navire ancien, ils fonctionnent mieux sur des bateaux dont la coque est conçue spécifiquement pour l’énergie éolienne. »
Réduire les coûts et les émissions
Comme pour les voiles en tissu traditionnelles, les performances des voiles à rotor dépendent des conditions de vent et de la bonne manipulation des équipements. Normalement, les voiles à rotor complètent les moteurs existants, mais lorsque les conditions sont optimales, les premières parviennent à propulser un navire à elles seules.
« En général, les voiles à rotor réduisent la consommation de carburant et les émissions de 5 à 20 % », commente Väinämö. « Nous travaillons sur un navire de transport Airbus qui disposera de 6 voiles et pour lequel nous prévoyons une économie de 50 %. Récemment, nous avons fait naviguer un navire français de 50.000 tonnes de port en lourd à huit nœuds en utilisant seulement deux voiles à rotor. »
Réduire la consommation de carburant revient à réduire les coûts, ce qui fait des voiles à rotor un argument commercial convaincant pour les armateurs. Des réglementations plus strictes comme la directive FuelEU Maritime stimulent également la demande pour des solutions plus propres.
« Nous pensons que 20.000 navires dans le monde pourraient bénéficier des voiles à rotor », estime Väinämö. « On est là sur un secteur industriel qui pèse potentiellement 60 milliards d’euros. »
Les batteries, une solution qui facilite la vie
Les moteurs des voitures particulières ont évolué, passant des carburants fossiles aux hybrides pour devenir finalement entièrement électriques. C’est le même processus qui est en cours dans le secteur maritime, et l’entreprise finlandaise Wärtsilä est au cœur de cette révolution. Fondée en 1834, Wärtsilä œuvre essentiellement dans les secteurs de l’énergie et de la marine.
« L’adoption de cette technologie est exponentielle », se réjouit Torsten Büssow, directeur de l’activité systèmes électriques et énergétiques chez Wärtsilä Marine. « Nous avons déjà livré plus de 1.000 navires alimentés par batteries. »
Alors que les voiles à rotor fonctionnent mieux sur les traversées maritimes qui se font par vent soutenu en haute mer, les systèmes de batteries sont très demandés pour les différents types de navires naviguant dans les eaux côtières et sur des trajets maritimes plus courts. Il s’agit notamment des navires de croisière, des car-ferries, des cargos et des différents bateaux de servitude portuaire. L’autre catégorie de vaisseaux où l’électrification progresse désormais rapidement est celle des navires dits Ropax, qui sont des grands bateaux affectés à la fois au transport des passagers et à celui des véhicules. Ce type de navire mixte est une vision habituelle sur la route maritime reliant Helsinki à Stockholm en Suède, ou Helsinki à Tallinn, en Estonie.
« Nous avons travaillé récemment avec la compagnie Finnlines sur un nouveau navire Ropax doté d’un système d’alimentation hybride et d’une capacité de stockage d’énergie de 5 mégawatts », indique Büssow. « Les navires de la compagnie pourraient par exemple utiliser l’électricité pour manœuvrer dans un port ou quand ils arrivent en vue de la terre ferme, et des moteurs classiques lorsqu’ils se trouvent en mer. »
Comment atteindre le net zéro d’ici 2050
Bien évidemment, l’objectif final n’est pas seulement de réduire les émissions de CO2, mais de les éliminer complètement. Cet objectif est tenable avec des navires tout électriques sous réserve que leurs batteries soient chargées avec de l’électricité produite à partir de sources renouvelables comme l’éolien, le solaire et l’hydraulique. Wärtsilä a déjà livré son système de propulsion électrique à des fins d’installation sur plusieurs navires tout électriques, et l’entreprise travaille actuellement sur un ferry rapide de 130 mètres de long qui assurera la liaison entre l’Argentine et l’Uruguay. Alimenté par des batteries de 40 mégawatts, ce sera le plus grand navire électrique du monde.
Les navires disposent aussi d’autres moyens de fonctionner sans émissions, en ayant recours par exemple aux biocarburants ou aux carburants synthétiques. Büssow estime pour sa part que c’est une solution combinant carburants et technologies qui assurera la durabilité au secteur maritime, et non telle ou telle invention universelle. Mais le temps presse.
« Si la durée de vie d’un navire est de 25 ans et que nous voulons être à zéro émission nette d’ici 2050, alors nous ne sommes qu’à une « durée de vie de navire » de notre échéance », fait remarquer Büssow. « Nous devons faire vite. »
Par David Cord, décembre 2024